JazzOnze+ 2025 | Julian Lage, le disciple de la guitare.

JULIAN LAGE ALYSSE GAFKJEN

Dimanche soir, le JazzOnze+ Festival s’est refermé dans la douceur feutrée du Casino de Montbenon, avec le concert solo du guitariste américain Julian Lage. À 38 ans, ce prodige déjà consacré au Hall of Fame des guitaristes de jazz célébrait le dixième anniversaire de son album World’s Fair – un retour à l’essentiel, à la guitare nue, à la fragilité du son.

Sur scène, rien d’artificiel: un tabouret, une chaise, une guitare, et un homme à la silhouette fine, presque effacée. Les pieds légèrement rentrés, le regard bas, Lage semble dialoguer avec son instrument plus qu’avec le public. Il joue pour elle, la guitare; elle seule lui dicte le tempo, la tension, la douceur. Chaque note est un aveu, chaque respiration un effort. Sa relation à l’instrument frôle la devotion, un mélange de tendresse et de torture. Par moments, il gémit, soupire, comme si la musique traversait son corps malgré lui.

La setlist mêle des pièces introspectives (Day & Age, Auditorium, Japan) à des reprises délicatement revisitées, comme My Funny Valentine. En hommage à son ami Jorge Roeder, passé par le festival la veille avec Shai Maestro, il joue Peru, un moment suspendu d’une beauté fragile. Le son de Lage oscille sans cesse entre douceur et rage contenue: un folk rêveur qui s’embrase soudain en blues nerveux. Sa technique, d’une précision redoutable, sert un propos plus intime que démonstratif: celui d’un musicien qui cherche moins à briller qu’à comprendre.

Trois fois seulement, il prend la parole. D’une voix timide, il remercie le public, le festival, son technicien. Rien d’ostentatoire: une humilité sincère, presque douloureuse. Ce n’est pas un showman, c’est un artisan, un poète qui taille le son comme d’autres taillent la pierre.

Le public, lui, est en adoration. Deux standing ovations ponctuent la soirée: la première à la fin du concert, la seconde après un rappel bouleversant, un blues à mi-chemin entre Hallelujah et Norwegian Wood. Dans cette dernière pièce, tout Julian Lage semble contenu: la maîtrise, la mélancolie, la beauté, et cette solitude lumineuse des musiciens qui ne jouent que pour servir la musique.

Un concert d’une grande intensité, sans éclats inutiles, où la virtuosité s’efface derrière la pureté du geste. Julian Lage n’a pas seulement joué de la guitare: il l’a écoutée, aimée, apprivoisée. Et nous, spectateurs, avons eu le privilège d’assister à cette conversation sacrée.

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