Construct #31: Interview – RSD

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Blaise Deville présente CONSTRUCT, votre émission consacrée aux musiques actuelles navigant entre Bristol Sound, Dubby Dubstep, Frozen Sino-Grime, Post Backpack Hip Hop, Acid Footwork et autres dérives urbaines en tout genre.

Interview réalisée lors de la soirée « Top Ranking » du 19 septembre 2015 au Zoo de l’Usine.

RSD : trois lettres mystérieuses apparues à l’orée de la deuxième moitié de la première décennie du XXIème siècle, une époque musicalement marquée par un genre bâtard issu du sud de Londres, le Dubstep. Mais retournons pour l’instant à nos trois initiales énigmatiques. L’homme derrière cette trinité crypto-alphabétique est considéré comme l’un des pionniers de ce que l’on appellera le son de Bristol reconnu au début des années 1990 comme une influence majeure. Cet homme s’appelle Rob Smith et est, entre autres, l’une des deux têtes pensantes du mythique groupe “Smith & Mighty” fondé en 1985 avec son comparse Ray Mighty.

Le son de Bristol, retombée radioactive de la culture Sound System issue du Reggae, irradie la scène anglaise et, par la suite, contamine le reste de la planète à travers une musique fortement influencée par le Hip Hop américain et son recyclage permanent réalisé grâce l’art du sampling. L’industrie musicale le rebaptisera à la va-vite Trip Hop préférant l’uniformité délocalisée à un certain ethnocentrisme trop britannique pour des raisons marchandes évidentes. Portishead, Massive Attack, Tricky en seront les porte-étendards les plus connus. A l’époque, Rob Smith et Ray Mighty produisent le premier single de Massive Attack, “Any Love”, bâti sur un collage Hip Hop aux accents Dubesques.

Rob Smith insiste beaucoup sur cette importance prédominante du Dub et, à plus forte mesure, du Reggae dans sa démarche musicale. Exposé dès son enfance sous l’influence d’un grand frère mélomane à la Soul usinée dans les studios Motown de Détroit, son oreille retient les lignes de basses percutantes et les percussions foisonnantes de réverbe de celle-ci. L’écoute chez un ami de l’album “Dreadlocks Dread” de Big Youth au début de l’adolescence le convertit au Reggae. Mais c’est l’esthétique Dub et sa capacité à réarranger un morceau en escamotant certains éléments, reconfiguration de l’espace découlant d’une économie sonore, qui exercera une fascination sans limite sur le jeune Rob Smith. Il commence à expérimenter en enregistrant des bruits de casserole sur un magnétophone pour y ajouter ensuite de l’écho à l’aide d’une vieille table de mixage achetée avec son premier salaire.

Renonçant par manque de conviction à une prometteuse carrière d’ingénieur électronique chez Rolls Royce à la fin de son apprentissage, il décide que la musique sera sa principale activité après un séjour propice à la réflexion en tant que vendangeur dans le sud-ouest de la France. De retour à Bristol, il apprend la guitare et intègre rapidement l’orchestre d’une compagnie théâtrale qui joue une comédie musicale Reggae illustrant les injustices sociales subies par les classes immigrées dues au racisme ambiant des années 1980 en Grande-Bretagne. Fort d’une expérience de guitariste se produisant sur scène, il s’intéresse de plus en plus à l’aspect de l’enregistrement et de la production au moment même où les scènes Reggae, Punk et Hip Hop s’entrecroisent dans une étreinte particulière qui donnera lieu à la naissance du fameux son de Bristol.

Durant cette époque, se forme “The Wild Bunch”, sound system Hip Hop qui héberge les membres fondateurs de Massive Attack. En parallèle, Rob Smith et Ray Mighty officient déjà sous l’appellation “Three Stripe” et incorporent leurs influences Reggae au Hip Hop prôné par “The Wild Bunch”. Après avoir prêté main forte à Massive Attack sur “Any Love”, Smith & Mighty sortent en 1988 deux reprises de Bacharach & David, “Anyone” et “Walk On”, qui vont attirer l’attention de Londres et de l’industrie musicale. S’ensuit un contrat catastrophique avec une grande maison de disque qui fera la sourde oreille aux efforts musicaux des deux producteurs pendant plus de cinq ans. Délivrés des chaînes de leurs geôliers, ils verront leur premier album “Bass Is Maternal” finalement voir le jour sur leur propre label “More Rockers” en 1995, mais celui-ci n’aura qu’un succès d’estime faute de bénéficier d’un large réseau de distribution. Il faut attendre leur signature sur le label allemand “!K7”, un mix séminal pour la série “DJ Kicks” et deux albums, “Big World Small World” et “Life Is…”, afin de faire résonner les tympans de la planète.

Au début des années 2000, Smith & Mighty réduisent leur activité. Rob Smith part vaquer à d’autres occupations telles que l’album instrumental “Up On The Downs”, collection de beats cinématographiques tournés vers le continent asiatique et ses dérives futuristes aux ambiances moites. A côté de cela, il continue ses explorations Dub sans se douter qu’il est en train de poser le pied dans une autre arène, celle du Dubstep. Depuis 2005, Pinch et Peverlist incarnent la relève du son de Bristol et ne peuvent s’empêcher de noter les similitudes entre les productions du parrain et le nouveau style émergeant qui partagent la même méthodologie Dub, celle de manipuler le son pour créer des espaces nouveaux à coup d’effets divers, échos, réverbes, etc. Les deux l’accueillent volontiers sur leurs labels respectifs, Tectonic et Punch Drunk, dans un élan de reconnaissance devant la contribution gigantesque que ce premier a apporté à la scène bristolienne.

Aujourd’hui, grâce à des producteurs tels que Kahn, l’influence de Smith & Mighty se fait résolument sentir sur l’héritage sonique de Bristol. En effet, plus que les digressions Hip Hop d’un Massive Attack ou d’un Portishead, c’est cet esprit Dub et la culture Sound System qui marquent profondément la cité ayant toujours eu une importante communauté jamaïquaine. Rob Smith souligne qu’il existe des sound systems à Bristol depuis les années 1970. Les différents crews se réunissaient déjà dans les caves et les sous-sols enfumés de la ville empilant des murs de haut-parleurs afin de diffuser une musique à la basse soutenue spécialement composée pour cet usage. Cette tradition a continué jusqu’à nos jours et représente le cœur du son de Bristol pour Rob Smith qui y voit l’influence intemporelle et infinie du Reggae à travers la multitude de genres que celui-ci a essaimé, de la Drum & Bass au Dubstep. Les trois lettres RSD sont là pour le rappeler : Rob Smith Dub!

Playlist:

  • Prophecy feat. Likkle Mai – RSD
  • Brain Scan – Smith & Might
  • Corner Dub – RSD
  • Come On Back – Carlton
  • Rise Up (RSD Remix) – Henry & Louis
  • Murderah – RSD
  • Any Love – Massive Attack
  • B Line Fi Blow – Smith & Mighty
  • Forward Youth – RSD
  • Naked Mario Kart (Part. 2) – RSD
  • Speeka Box – RSD
  • No Justice – Smith & Mighty
  • White Africa – Keith Hudson
  • Work! (feat. Jah Device & Sasha Perera) – Rob Smith
  • Rayi – A Taunt Line
  • 100 – WWWINGS
  • Poison Scope (Yung Sherman Remix) – Lao
  • Ice Pick – JT The Goon
  • Ice Cream Love – Mungo’s Hi Fi feat. Johnny Osbourne
  • No Wata Down Ting – Mungo’s Hi Fi feat. YT & Johnny Osbourne
  • Wu Wei – Kode9
  • MUCH – Busdriver
  • Buddah Lovaz – DJ Chap
  • Tour From The RA – DJ Fulltono
  • BANG, Bitch. Yoga Flame – DJ Compton
  • Taken A Trip U – Traxman
  • Covenants – SIMPIG
  • Sold Out – DJ Paypal
  • U Better Stop 2016 – Stayhigh
  • Timeflys – DJ Mastercard
  • That’s Nothing – Linfeng
  • Hello – Erykah Badu feat. Andre 3000
  • Andiwilltellu – Balam Acab
  • Old English – Young Thug feat. Freddie Gibbs & ASAP Ferg
  • Escape – Hudson Mohawke
  • Do My Thang – Dam-Funk & Snoopzilla
  • Eyes On The Mountains! – Howie Lee
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