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Deuxième soir du JazzOnze+, deuxième tête d’affiche légendaire qui retourne au festival. C’est un luxe ! Le géant du saxophone Joe Lovano partage la scène avec un sextet assez particulier, dans un projet en hommage au batteur Paul Motian, décédé en 2011. Rencontre et concert.
Trois basses, deux batteries, une guitare, et un saxophone : début d’une blague ? Non, mais d’un concert en deux parties d’un septet (et oui, ce mot existe !) réunissant quelques-uns des meilleures instrumentistes de la planète : Joe Lovano au sax ténor, c-soprano et tárogató, Jakob Bro à la guitare électrique, Larry Grenadier et Thomas Morgan à la contrebasse, Anders Christensen à la basse électrique, Joey Baron et Jorge Rossy aux deux batteries. Cet ensemble multigénérationnel célèbre – le temps d’une petite soirée – la musique et l’esprit de Paul Motian, musicien révolutionnaire décédé en 2011 et côtoyé de près par Bro, et de très près pour presque 30 ans par Lovano dans un trio avec notamment Bill Frisell.
Au JazzOnze+ de cette année, lors de cette froide soirée d’un 1er novembre, le groupe commence à jouer vers 21h45 après un petit délai dans le setup de la scène par le staff du festival. Tout à gauche, il y a Baron et Bro. Tout à droite, il y a Rossy. Au centre, de gauche à droite : Morgan, Grenadier, et Christensen. En première ligne : Lovano, et ses trois saxophones. J’entends plusieurs murmures dans la salle « Trois basses ? Deux batteries ? Mais que va-t-il se passer ? ». Je souris : avec Lovano, la liberté créative et le culte de l’instant présent sont priorités ; ce soir sera exemplaire.
De loin, ils ont l’air d’être un groupe de potes en local de répétition en train de se lâcher, de s’amuser. À une écoute bien plus attentive, on se rend plutôt compte d’être vraiment en présence de musiciens d’un autre niveau. C’est intense, c’est technique : il faut savoir le suivre, ce concert ! Lovano, enthousiaste comme un enfant, ne s’en lasse pas. Le charisme et amabilité de Lovano sont magnétiques. Il danse, il sourit, ses yeux brillent de joie à travers les lunettes violettes, il pousse des « Yeah ! » et des « Mh-mh-mh » de satisfaction comme s’il était en train de manger son gâteau préféré. Il y a des solos de chacun, il y a de la conversation entre certains, des duos parfois, beaucoup d’improvisation… il y a même une cymbale qui s’envole par terre après une touche super énergétique de Baron. Mais rien ne le déstabilise, ni lui, ni ses compagnons : ils rient tous ensemble et continuent à jouer.
Il n’y a pas beaucoup à ajouter sauf : il fallait être là, car c’est un groupe à écouter mais surtout à regarder. Je me permets une petite note personnelle : à la fin du concert, je suis allée passer le bonsoir à Lovano et lui, dans toute son humilité et grand amour pour le jazz, il me dit : « Eh, t’as vu Joshua [Redman] hier soir ? C’était trop fort, n’est-ce pas ? »
Pour la deuxième fois en sept ans, la radio La Fabrik est allée rencontrer Lovano, un vrai conteur d’histoires et donc un vrai bonheur pour n’importe quel journaliste. On parle du projet avec Jakob Bro, de Paul Motian, de ses sources d’inspiration, mais aussi de son père, le saxophoniste Tony Lovano, ses racines siciliennes, d’instruments traditionnels et… de ses chapeaux. Enjoy (Oh, yeah !) !