35ème AMR Jazz Festival : Joe Lovano Classical 4tet

Avec Lawrence Fields et Joe Lovano au Loge 21 de l'AMR

 

La première soirée du festival débute avec un géant du saxophone ténor, un géant accompli de la musique jazz. Mesdames, Messieurs : Joe Lovano.

Il est presque 22h de ce mardi 15 mars et la salle au premier étage du jazz club de l’AMR est comblée. Il n’y a littéralement plus de place et, dans le couloir entre les deux groupes de places assises, des gens se sont mis par terre. Celle-ci n’est pas l’habituel mardi jam du club mais la première soirée du 35ème festival du club jazz AMR – Sud des Alpes. Quelque chose mijote dans l’air : celle-ci va être une grande soirée, une soirée de culture pour tous, un concert élégant pour bouger nos consciences. Une grande affiche blanche face au public, sur le mur à droite de la scène, nous rappelle la force de la culture avec, en lettres noires, « Face aux coupes, la culture lutte ». Tout comme l’énorme bannière au-dessus de l’entrée du club de la Rue des Alpes, 10 : « Si la culture coûte chère, essayez l’ignorance ». La culture et les arts, comme (surtout) la musique et la danse, sont les manifestations les plus spontanées de notre intellect et sont donc essentiels pour le bien-être de l’être humain. Malheureusement, il faut toujours se battre pour les garder et diffuser. Jusqu’à quand, me demande-je…

Mes pensées s’arrêtent quand il arrive sur scène. Joe Lovano est là avec son saxophone, entouré par ses musiciens : le très jeune Lawrence Fields (piano), afro-américain de St Louis, pianiste aussi du Christian Scott Ensemble ; le bulgare Peter Slavov (contrebasse) qui a remplacé Esperanza Spalding dans le groupe « Us Five » depuis qu’elle est devenu une star internationale ; Lamy Istrefi jr. (batterie), kosovare, lunettes de soleil sur le nez et panama en tête. Je suis toujours fascinée par les batteurs : ce sont tous des excités hors-pair et, qu’importe leur âge, ils sont une source d’énergie interminable.

Mes pensée s’arrêtent encore une fois quand « On this day like any other » commence. Je fais presque une crise cardiaque tant les notes arrivent inattendues, directes, agressives. J’imagine le trafic de New York, le chaos sans fin de la vie dans cette ville. « Full son » suit avec un beau duo de la batterie et de la contrebasse. Ensuite, c’est le tour d’une ballade, « Our daily bread ». Celle-là, j’en suis sûre, est toute dédiée à la femme de Lovano, la chanteuse jazz Judi Silvano. C’est une ballade délicate, qui termine suspendue, comme si cette danse ne devait jamais se terminer. Je regarde autour de moi et note, tristement, qu’il y a très peu de femmes parmi le public. Tristement, le jazz est encore considéré comme un genre masculin. C’est vrai que les ballades chantent souvent la beauté et la sensualité d’une femme, mais elles le font en amitié, avec du respect, sans la vulgariser comme plusieurs chansons contemporaines le font. Le jazz est unisexe, égalitaire, libre. C’est une arme de liberté d’expression pour les femmes qui, sans utiliser de vrais mots, peuvent toujours jouer de la musique et parfois envoyer des messages à qui est prêt à les recevoir. Seul le langage universel des instruments règne.

Le quatrième morceau du set est « Evolution ». Lovano laisse la scène à ses collègues pour presque la totalité du morceau. Et les trois ne laissent pas échapper une telle occasion. Lovano, satisfait comme un enfant qui doit ouvrir son cadeau de Noël, se frotte les mains. Dans l’ombre, derrière le piano, je vois son sourire blanc rayonner. Il est clair qu’il adore Fields, ce jeune pianiste auquel il laisse la place pour de longs solos dans chaque morceau. Même si la plupart du public est surement venue pour voir Lovano, nous apprécions le fait qu’il utilise sa notoriété pour faire de la publicité à ses musiciens. C’est certainement humble, mais très intelligent aussi. Et transmet un message puissant : « aimez-vous, et votre musique sera encore plus forte ».

Le set se conclut avec « Weather man », dédié à Wayne Shorter et le groupe mythique Weather Report. Tout à coup, Lovano laisse Fields improviser. Le pianiste panique un peu, il fait une erreur, il crie, Lovano se passe une main sur le front mais, comme dans un conte de fées, après les difficultés, le happy end arrive. Le public, après toute cette tension, applaudit excité. L’heure est passée vite et le plaisir a été si grand que Lovano nous gâte avec trois rappels, dont le dernier « Sound of joy », parfait pour souhaiter bonne nuit.

Mais comment est né ce quartet ? Pourquoi « classical » ? Retrouvez toutes les réponses et bien d’autres dans l’interview de La Fabrik avec Joe Lovano.

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