Royal Arena: 18 août, Rap-sous-eau

Par Eric Chicherio

C’est souvent avant qu’il pleuve, quand l’atmosphère est tellement lourde qu’on en vient à souhaiter l’arrivée de l’eau, cette amie humide, tant la tension est palpable et que l’électricité flotte dans les airs. Ce vendredi soir, il tombe déjà des cordes et pourtant, la tension, elle, reste omniprésente. Tension due aux intempéries et aux retards qu’elles occasionnent sur le line-up du Royal Arena, incontournable festival hip-hop à Orpund en périphérie de Bienne. Et pourquoi pas tension bilingue? East Coast/West Coast? Ou tension intergénérationnelle?

Les têtes d’affiches sont nombreuses et, malgré un arrêt de musique de deux heures et une menace d’annulation de l’événement, les artistes ont hier soir bravé les éléments devant un public détrempé, horde de festivaliers nullement découragés et bien décidés à s’abreuver de bon rap et de bière fraîche.

C’est dans ce climat météorologique et psycho-social complexe que débarque sur scène le très talentueux MC New-Yorkais Skyzoo. En short militaire et snapback comme s’il allait faire une course à un liquor shop dans son quartier de Brooklyn. Il est  accompagné du célèbre beatmaker de Detroit, Apollo Brown. Loin de reculer devant l’orage, une timide petite foule tente de donner malgré tout de la force à l’artiste qui bataille tant bien que mal à maintenir l’attention de son audience avec d’excellents titres comme The Vibes. Il terminera son set de manière abrupte, telle une pluie qui s’arrête, non sans rendre hommage au grand et regretté Sean Price.

Serait-ce par une quelconque magie inversement proportionnelle qui agite la loi des contraires qu’un groupe natif d’un coin du globe où le soleil brille toujours ne soit en rien affecté par les torrents tombant du ciel ? Toujours est-il que, même s’il jouent sous chapiteau, les californiens de Deliquent Habits convainquent dès le premier morceau. Ils persistent et signent au gré des titres prouvent que la scène est leur terrain de prédilection. Les deux MC’s montrent une aisance presque insolente à faire sauter le public sur leurs rimes et flows énergiques portés par des beats punchy sur fond de samples de cuivres mexicains.

Retour à la pluvieuse grande scène à ciel couvert. Une légende y est attendue. Kool G Rap, ancien membre du Juice Crew (groupe mythique du milieu des 80’s) autoproclamé The Godfather of rap se fait introduire par un DJ survolté qui balance quelques hymnes Hip-Hop: de Mobb Deep à Wu-Tang Clan en passant par Fat Joe, Black Moon ou encore Dead Prez conditionnant un public nombreux et motivé. New-York est dans la place, nous sommes prêts ! Un backer emboîte le pas au Last Don du Queens, un Kool G Rap bientôt quinquagénaire (…) au gabarit imposant, hoodie et lunettes noires, toujours en forme et qui maîtrise l’art du emceeing avec brio et charisme. Quand le DJ reprend un set un quart d’heure plus tard, on se demande si on aura droit à un de ces shows express entrecoupés de fioritures pour masquer le manque de contenu. Il n’en est rien. Les deux MC’s reprennent la scène d’assaut et c’est l’inverse qui se produit: en l’absence de jeu de scène particulier et en raison d’une certaine monotonie dans les flows et instrus, ça en devient presque trop long… Ce concert se termine lui aussi en hommage: Prodigy R.I.P.
Je dois avouer que l’artiste qui m’aura fait le plus vibrer lors de cette première soirée du Royal Arena 2017 est le sud-londonnien Stormzy qui a conquis les massive aux rythmes de son grime envoûtant avec une chaleur nous faisant oublier le froid et la boue.

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