Cully Jazz Festival : Retour sur le concert de Mélissa Laveaux

La 36ème édition du Cully Jazz Festival s’est terminée ce samedi 21 avril 2018, Mélissa Laveaux s’y est produite dimanche 15 au Next Step. La Fabrik y était et vous en parle.

Auteure, compositrice, interprète, d’origine haïtienne, Mélissa Laveaux commence son set, durant lequel elle présente son nouvel album Radyo Siwèl, par une histoire drôle en hommage à la malchance. Décalée ?

Son charisme imposant en jette d’entrée de jeu, elle entonne une ballade rock en créole démontrant son aisance à grands coups d’accords de guitare électrique. Le batteur et la bassiste (qui assure aussi le backing vocal avec brio) sont énergiques et au service de l’artiste qui, sur cette assise, s’envole à souhait et à notre plus grand plaisir.

Elle interprète un répertoire « réarrangé pop » de vieilles chansons traditionnelles, dont certaines datent de l’occupation américaine en Haïti. « Chants de guerre/Hippie Love » pour reprendre ses propres mots, la musicienne vérifie d’abord que la limite d’âge de son auditoire commence bien à partir de 12 ans avant de rentrer dans la virulence politique lors de ses speechs entre les morceaux. La militante balance ensuite des odes de carnaval des plus funkys qui moquent, raillent l’impérialisme.

Oui, Mélissa Laveaux est une artiste engagée, sans concessions ni complexes, consciente de l’histoire, de son héritage.  Avec un humour et une douceur assumée, elle sait se montrer très incisive. Rock/Soul audacieux, timbre de voix à faire trembler le plus sage et immobile des volcans, elle raconte avec quelle classe et élégance les adeptes de la religion vaudoue déposaient des offrandes de fleurs devant une rivière, sous les yeux médusés des GI’s occupants. Passionnée, convaincue, timide rire qui voile ironie, cynisme et franchise bousculante qu’elle dit tenir de sa grand-mère, qui n’hésitait pas à « – dire à haute voix et devant une femme qu’elle était moche, parce qu’il fallait qu’elle le sache… ». Ses chansons tournent tour à tour en dérision la ridicule image que les Etats-Unis ont voulu faire d’ « Ayiti Chérie », en voulant la réduire, ainsi que sa culture, à de pitoyables films clichés sur les zombies. Les riffs de guitare sont bels et bien mystiques, hallucinants. Summum atteint lorsque sur « Lè ma monte chwal mwen » elle reprend une célèbre boucle de basse notamment samplée dans le rap des 90’s et additionnée de mélopées libératrices. Arrestations, passages à tabac, meurtres d’honnêtes cultivateurs de cafés ou de journalistes, les textes dénoncent la violence, se font mots, notes, armes et outils de révolte. La souffrance transcendée, sublimée est au rendez-vous. Quand le batteur exécute avec un groove certains des tempos afro-caribéens, c’est alors le paroxysme de la révolution musicale menée par la grande prêtresse Mélissa Laveaux.

 

Eric Chicherio

Retrouvez Melissa Laveaux sur Itunes et Spotify

 

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