MJF 2016 : Douce déception du passé, amère constatation du présent

Glen Hansard
Après seulement une heure et quart de concert, la douceur du guitariste-poète irlandais Glen Hansard me laisse un gout amer dans la bouche. Conte d’un concert émotionnel au Montreux Jazz Festival vu à travers les yeux d’une adulte regrettant d’avoir commencé à grandir.

La pluie tombe irrégulière sur les quais de Montreux en cette soirée de mi-juillet. Je préfère peut-être ça : il y a moins de monde et c’est la bonne excuse pour rester au Montreux Jazz Shop feuilleter le livre du Jubilé, “50 Summers Of Music”. C’est aussi la bonne ambiance pour une soirée anglo-irlandaise au Montreux Jazz Lab : Rag’n’Bone Man (UK), le grand géant gentil du soul, blues et dub, suivi par la guitare folk-rock irlandaise de Glen Hansard.

Glen Hansard : j’ai connu cet artiste à travers son film “Once” (2007), une histoire vraie d’amour et de musique dans les rues de Dublin entre lui et une violoniste ukrainienne (Marketa Irglova), qui me rappelle beaucoup une nuit magique passée par hasard exactement aux mêmes endroits. Sur mon MP3, la BO du film et deux reprises de Van Morrison par Glen sont gardées sous le fichier “Voyages”. En décembre dernier j’ai découvert que Glen avait joué dans la rue principale de Dublin avec Bono, Hozier, Kodaline, The Script et d’autres artistes irlandais pour un concert caritatif la veille de Noël, organisé par Bono depuis 2009.

Voilà, c’est tout ce que je connais de ce musicien, tant admiré par Eddie Vedder, compositeur et chanteur de la BO de « Into the wild ». Je ne suis donc pas étonnée si, pour une fois, je ne sais pas à quoi m’attendre. Il y a plusieurs instruments sur scène : un violoncelle, deux violons, un piano, une basse électrique, une batterie, un banjo, une trompette, un trombone, un saxophone et enfin la guitare de Glen. Ou plutôt ses trois guitares : une acoustique de 1963 et deux vieilles classiques, griffées d’une façon très similaire. Peut-être pour souligner qu’il se sent toujours cet homme de la rue qui nous a fait tomber amoureux avec ses « drinking songs » et sa guitare usée, un homme que finalement il n’est plus.

Le concert débute avec une chanson country qui me rappelle toute de suite Crosby, Stills & Nash. Un morceau rock suit où Glen nous offre enfin sa voix dure, mais dont la mélodie ne me dit rien de nouveau. C’est ce que je sens pour, au moins, quatre autres morceaux du concert : jolis, mais rien de nouveau… et dans certains cas, même du déjà-écouté ailleurs (aïe aïe). Le rock revient plusieurs fois dans le concert, même dans le morceau hyper-doux “When your mind is made up”, extrait du film “Once”. Quelle beauté. Et quelle rage au micro. “Astral weeks”, une belle reprise de Van Morrison à la guitare et contrebasse seuls, enflamme la scène avec un final énervé où Glen et le contrebassiste se défoulent sur leurs instruments à s’arracher la peau des doigts sur les cordes. Wow. Mon soulagement néanmoins disparaît avec une chanson dédiée aux migrants de tous les temps, qui laissent leur pays pour chercher fortune ailleurs : je suis touchée par le sujet qui est une claire allusion aux migrants irlandais de la famine des années 1840, mais aussi un clin d’œil aux migrants d’aujourd’hui qui se noient dans la Méditerranée chaque jour. Glen ne parle pas beaucoup au public, il parait presque gêné d’être à ce festival. Trop snob pour lui… Ou lui trop snob ? Entre une « drinking song », un autre folk irlandais et une reprise de “Ashes to ashes” de David Bowie qui me laisse un peu déçue, le concert arrive à sa fin. Pas de rappel.

Je sens que quelque chose a manqué dans ce concert. Où est-elle partie, ta poésie, Glen ? Où est-elle partie, cette inspiration qui t’a fait écrire le merveilleux “Falling slowly” ? Il aurait été intéressant d’en parler avec toi directement, mais hélas tu es parti dans ton bus vers d’autres villes d’Europe.

 

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