Cully Jazz 2017 : Le Retour du Fresu

Paolo fresu 5th © Roberto Cifarelli RobertoCifarelli

 

Paolo Fresu retourne sous le Chapiteau du Cully Jazz, cette fois-ci accompagné par ses compagnons Roberto Cipelli au piano, Ettore Fioravanti à la batterie, Tino Tracanna au saxophone et Attilio Zanchi à la contrebasse.

Les étrangers aiment imaginer l’Italie comme il Bel Paese du drame américain « Mange, prie, aime » : un pays du « dolce far niente », où on passe le temps à manger et boire autour d’une énorme table avec la famille et les copains, à s’enivrer de la beauté des anciennes églises et des places lumineuses, à marcher dans les ruelles de « sampietrini » – le typique pavé romain – à l’ombre des cyprès…

En tant qu’italienne, j’avoue que ces clichés utopiques s’imposent parfois comme images dorées dans les souvenirs nostalgiques de mon pays d’origine et avoir quelques larmes aux yeux, c’est presque inévitable. Il l’est encore plus lors de spectacles d’artistes italiens comme celui du Paolo Fresu quintet, lundi 3 avril au Chapiteau du Cully Jazz. Invité par Yvan Ischer (RTS) à l’occasion des 30 ans de son émission JazzZ (Espace 2), ce quintet d’amis de longue date a célébré leur 30ème anniversaire (plus précisément 33ème) et joué à la fois des morceaux tirés de leur dernier album « ¡30!  » ainsi que des morceaux plus anciens dont ils ne lassent jamais. De « T.R.E.A.P. » composée par Zanchi (chaque lettre représentant le prénom de chaque musicien) à « Trasparente » et « Chiaro » de Fresu, en passant par « Till the end » de Cipelli, ce concert a été une petite fête en honneur de l’amitié qui unit ces musiciens, ces camarades. Plaisir pour les oreilles et récits par Fresu à crever de rire sont assurés.

Rencontre avec le Paolo Fresu quintet, sans Fresu (encore en trajet vers Cully au moment de l’interview), c’est-à-dire avec Roberto Cipelli, Ettore Fioravanti, Tino Tracanna et Attilio Zanchi. Nous parlons du 30ème anniversaire du quintet et de l’amitié qui les unit et on rigole beaucoup. Interview en italien, résumé transcrit en français en bas. Et comme œuf de Pâques tardif, je vous laisse un petit extra : l’inédit de la partie finale de l’interview où on parle de « Amici miei », improvise des poésies et on me fait même une petite interview !

 

Bonsoir du Cully Jazz 2017, c’est lundi 3 avril et le quintet italien que je vais bientôt vous présenter vient de terminer sa balance au Chapiteau, la scène principale du festival, au bord du lac. Ici avec moi le pianiste Roberto Cipelli, le saxophoniste Tino Tracanna, le batteur Ettore Fioravanti et le contrebassiste Attilio Zanchi. Il nous manque seulement celui qui donne le nom au quintet : formation phénoménale, historique, en vie depuis 30 ans, toujours dans la même formation, exemple probablement unique dans l’histoire du jazz moderne. C’est le Paolo Fresu 5tet, symbole d’élégance, expérience et amitié, célébré au niveau mondial et qui vient de signer son album anniversaire « ¡30! » avec des compositions qui mènent dans l’univers de chacun des membres du groupe. Bonjour !

[Tous] Bonjour !

Partons de Cully. Que faut-il s’attendre ce soir ? Allez-vous jouer certains morceaux plus anciens ou plutôt des morceaux de votre nouvel album ?

[Tracanna] Nous avons pensé à faire un intégral de toute notre carrière [rires], c’est-à-dire de rejouer tous les morceaux de nos disques, grosso modo 20, 30 ou plus, mais ça aurait duré 3 jours et alors nous devons réduire, n’est-ce pas ? Mais, tôt ou tard, nous allons le faire… [rires]

Sinon, vous pourriez faire comme Prince au Montreux Jazz 2013 quand il a fait 3 soirées consécutives…

[Cipelli] Mais non, ils plaisantent…. En réalité, nous ne le savons pas. Avec Paolo [Fresu] on ne sait jamais ce qu’on va jouer. Il y aura sûrement des morceaux tirés du nouveau disque et…
[Tracanna] … et un peu de vieux morceaux qu’on aime toujours…

… pour faire plaisir aux nostalgiques, donc…

[Fioravanti] … aux plus anciens…
[Tracanna] Oui, mais aussi pour faire se plaisir à nous-mêmes, qu’on ne s’ennuie pas de les rejouer…

Sur la couverture de votre nouvel album « ¡30! » il y a des images stylisées de vous 5 et en particulier, il y a une foudre qui frappe le pauvre Fresu. Pourquoi ?

[Cipelli] En fait, c’est nous qui avons commissionné la foudre au dessinateur…
[Tracanna] Parce qu’évidemment il est inspiré des divinités, voyons !

Parlez-moi des morceaux de cet album. Est-ce qu’il y a des compositions de chacun d’entre vous, ou plutôt de Fresu ?

[Cipelli] Cet album représente l’histoire du quintet-même. Paolo et moi avons peut-être apporté le plus dans cet album, mais chacun d’entre nous a toujours contribué avec ses propres compositions dans tous les disques. À ce propos, je voudrais rappeler la récolte de 5 enregistrements que nous avions faits pour Blue Note entre 2005 et 2008 où chaque disque est entièrement composé par l’un d’entre nous.

Cela fait 30, 33 ans que vous jouez ensemble. Quelle belle expérience ! Quel effet ça vous fait d’être les seuls à avoir une collaboration de si longue date ?

[Fioravanti] Non, non, il y a les Rolling Stones qui ont fêté les 50 ans [rires].
[Tracanna] Mmmh, je ne sais pas comment l’expliquer. C’est quelque chose de naturel, qui fait partie de notre vie désormais… on n’y pense pas tellement, à part quand il y a ce genre de célébrations, les 20 ans, les 30 ans, et alors là, tu t’arrêtes un instant pour réfléchir et ça fait presque peur.
[Cipelli] Le fait d’avoir travaillé tant d’années ensemble est fondamental dans la musique improvisée. Cela nous a permis de nous connaître davantage au niveau musical mais surtout humain, personnel…
[Zanchi] Dans nos qualités et nos défauts…
[Cipelli] D’ailleurs quand Paolo et moi avions décidé de créer un groupe, nous voulions créer quelque chose de stable, qui pouvait travailler constamment sur sa propre musique. Peut-être étions-nous en train d’imiter les mythiques quintets de Miles Davis…
[Tracanna] … qui ont duré environ 4-5 années…
[Cipelli] Et donc à nos yeux c’était quelque chose de stable.
[Tracanna] De plus, ces quintets ont composé environ 200 disques, ils étaient un énorme point de référence !

Votre quintet a été créé par Fresu et Cipelli au début des années 80. Ensuite Tracanna a rejoint après une jam session. Comment Fioravanti et Zanchi vous ont rejoint ?

[Cipelli] Avec Paolo, je jouais dans un quartet avec Roberto Bonati et Roberto Billy Sechi. Là, pour des raisons de style, nous avons pensé à changer notre rythmique…
[Tracanna] … et après une petite année, Ettore et Attilio sont entrés [1984]. Moi, je jouais avec Attilio dans un groupe avec Franco D’Andrea et, en aimant ses compétences, je l’ai présenté à Paolo.
[Fioravanti] Ce que les trois sont en train de raconter est l’univers musical de la Lombardie. Mais Paolo fréquentait aussi Rome d’où je viens et où je jouais avec Paolo dans plusieurs formations, notamment avec Bruno Tommaso et Paolo Damiani. C’est ainsi que Paolo m’a invité à intégrer notre quintet actuel.

Pourriez-vous m’expliquer le rapport entre Fresu et Paris ?

[Tracanna] Paris et la France ont été les premiers à accueillir et rendre Paolo célèbre au niveau international. Il était déjà un peu connu en Italie, mais ensuite le succès obtenu en France l’a rendu encore plus grand en Italie. Et comme nous les italiens sommes un peu « esterofili » [excessivement sympathisants de tout ce qui est étranger]… ce qui a du succès ailleurs, doit alors avoir du succès chez nous, hein…

 

 

 

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